mercredi 20 octobre 2010

Agace-méninges no 1- Les docteurs à Radio-Canada.

Première réflexion quand l'émission Les docteurs est arrivée à la télévision :  pourquoi quatre docteurs? Pourquoi personne d'autre? Il aurait été réaliste (et innovateur) de présenter Des docteurs, des infirmières et des autres soignants.

On sait maintenant qu'il s'agit d'une adaptation de la série américaine The doctors. Acheter le concept permet de piger dans du contenu déjà éprouvé. À l'écoute, l'omnipraticienne Chantal Guimont et les trois spécialistes soit la pédiatre Gaelle Vekemans, le chirurgien orthopédique Jacques Toueg et l'urgentologue Alain Vadeboncoeur se révèlent sympathiques comme tout.

Ils remplissent leur mandat que le docteur Vadeboncoeur a ainsi décrit : « Rassurer certains patients, renseigner pour éviter d'aller à l'urgence, répondre à des questions que les gens n'ont pas le temps de poser quand ils visitent le médecin (sic). ».

Ils n'en reste pas moins que si les docteurs restent les héros du système de santé, la grande majorité de celles et ceux qui nous soignent quand survient un problème, ce sont des infirmières (trois quarts du personnel), des ambulanciers, des psychologues, des chiropraticiens, notamment... Leur faire une place régulière dans l'émission aurait été plus représentatif, sans compter le dynamisme potentiel des échanges entre des perceptions complémentaires.

Les docteurs, diffusé du lundi au jeudi à 16 heures à Radio-Canada, mais pas (encore?) intégré à Tou.TV sur internet.

lundi 18 octobre 2010

9 - Boumeuses, boumeurs à 50 ans: surtout pas!

Anne fête 50 ans en 2010. Elle refuse d'être une boumeuse. «Les boumeurs, je ne m'y identifie pas! Les boumeurs ont tout eu, ils n'ont rien laissé aux plus jeunes! Ils ont pris tous les emplois!»

Accuser les boumeurs d'être favorisés au détriment des autres est devenu un slogan.

Or, c'est faux.

Mais les frustrations d'Anne se dressent, si intenses, qu'elle préfère s'exclure de cette génération plutôt qu'admettre qu'elle représente elle-même une preuve que les boumeuses et boumeurs n'ont pas tout eu, ni tout pris en se foutant des autres.

Qui a décidé d'être boumeuse ou boumeur? Personne.
Veut, veut pas, Anne est une boumeuse, car l'étiquette traduit une donnée de démographie.  C'est basé sur des dates de naissance: au Québec, du 1er juillet 1946 au 30 juin 1966, un très fort taux de natalité (de 30 à 24 bébés pour 1000 personnes) s'est maintenu (*1). Pour comparer: avec une augmentation de la natalité depuis 2003, elle atteignait 11,4/1000 en 2009 (*2).

Ajoutons une importante diminution de la mortalité infantile (moins d'un an de vie), de la mortalité des femmes accoucheuses, en plus de la mortalité en général.

Mais qui reprocherait aux parents des boumeurs d'avoir fait trop d'enfants, qui ont survécu en plus grand nombre et qui ont fait aussi des enfants?

Le boum des bébés a duré vingt ans: ce n'est pas inhabituel comme durée en démographie. C'est assez long cependant pour modifier nombre d'éléments de base dans nos sociétés.


DES EMPLOIS À RABAIS

Anne donne une première piste: le manque d'emplois. Précisons: de bons emplois! Elle dit vrai. Depuis trente ans, le travail est devenu de plus en plus précaire. Cela a commencé mine de rien vers la fin des années 1970. Ça s'est étendu et ça se poursuit toujours. Cette réalité a été abordée dans deux précédentes chroniques (Voir *3 et *4).

Les premiers enfants du boum, nés en 1946, ont atteint 20 ans en 1966.  Les générations du boum étaient âgées de 10 à 30 ans en 1976. Or, la plus grande période de prospérité économique, sociale et individuelle au Québec a eu lieu de 1946 à 1976.
Les premiers bénéficiaires (et initiateurs) de ce qu'on  a surnommé «les trente glorieuses» furent les grands-parents et les parents des boumeurs. Après avoir vécu les suites du Krach boursier de 1929, connu une et parfois deux guerres mondiales et les chambardements d'une société de plus en plus industrielle, ils ont pu enfin souffler.

En 1966, quand les premiers boumeurs ont abordé le monde du travail, il existait beaucoup d'emplois réguliers à temps plein. Tant mieux. Cela a permis d'absorber une partie de ces si nombreux jeunes adultes.

En 1982, il s'est produit une crise financière mondiale, due comme toutes les autres à la spéculation à outrance. Elle a provoqué une insécurité générale. Elle a aussi servi aux employeurs - souvent comme prétexte - pour couper de tous bords tous côtés dans les conditions de travail. C'est au point que la débandade des emplois s'est poursuivie malgré d'autres périodes de prospérité économique.

C'est simplifié, mais ça explique qu'à partir de 1982, il y a eu de nombreuses pertes d'emplois, et même les bons emplois ont perdu des plumes.
Cela explique qu'une portion des boumeurs, puis des générations suivantes s'est retrouvée face à un marché du travail de plus en plus composé d'emplois précaires, avec des conditions racornies. Si une personne est née en 1960, comme Anne, elle avait 22 ans en 1982. Qu'elle ait poursuivi ses études plus longtemps ou pas, elle en a subi les effets généralisés à moyen puis long terme.

Autre conséquence : les personnes qui détenaient un bon emploi s'y sont davantage accrochées; elles sont devenues plus frileuses, voire peureuses. L'insécurité est également entrée dans leur vie pour ne plus pouvoir en sortir, quelles que soient les générations. Cela a apporté des conditions propices au « chacun pour soi ».

La précarisation des emplois est devenue un fondement majeur aux frustrations associées à l'insécurité. 

Le plus facile, quand on est inquiet et frustré, c'est de chercher un bouc émissaire. La cohorte des boumeuses et boumeurs est devenue un bouc émissaire idéal, parée de tous les acquis et avantages, en plus de l'égocentrisme. Il y a de quoi devenir anti boumeur!

Mais il n'y a pas que cet élément à considérer. Les boumeuses et les boumeurs ne sont pas coupables de tout, mais ils ne sont, non plus, exempts de lacunes.
-30-

*1- Hervé Gauthier, Sylvie Jean, Georges Langis, Yves Nobert, Madeleine Rochon. Vie des générations et personnes âgées aujourd'hui et demain, Volume 1, Condition de vie, Institut de la statistique du Québec, 2004.

*2- Institut de la statistique du Québec.

*3- Jeunes, vieilles et vieux: le droit au travail?
*4- Jeunes, vieilles et vieux: le droit au travail? (Suite)